Le burn-out ou épuisement professionnel touche de plus en plus de salariés français. Lorsqu’il devient impossible de reprendre son poste, la visite chez le médecin du travail est une étape décisive. Mais que dire ? Quels mots utiliser pour exprimer sa souffrance sans risquer de se voir imposer une reprise de poste prématurée ? L’inaptitude médicale est une mesure lourde de conséquences : elle doit reposer sur des éléments concrets et argumentés. Cet article vous guide dans cette démarche sensible, en précisant ce qu’il faut dire, montrer et anticiper face au médecin du travail en cas de burn-out.
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Comprendre l’inaptitude liée au burn-out
Avant de rencontrer le médecin du travail, il est essentiel de comprendre ce qu’est l’inaptitude au travail et dans quel cadre elle peut être prononcée pour un burn-out.
Définition de l’inaptitude médicale
L’inaptitude au travail est une décision médicale prise exclusivement par le médecin du travail, selon l’article L4624-4 du Code du travail. Elle intervient lorsque l’état de santé d’un salarié est jugé incompatible avec le poste occupé, et que aucune adaptation n’est possible.
Il existe deux types d’inaptitude :
- Inaptitude temporaire, qui justifie une prolongation d’arrêt.
- Inaptitude définitive, qui ouvre la voie à un licenciement pour inaptitude ou à une reconversion.
Dans le cadre d’un burn-out, cette inaptitude peut résulter d’un état de santé psychologique gravement détérioré, documenté par des éléments médicaux solides (certificats, traitements, hospitalisation, etc.).
Chiffre clé : Selon une étude de la DARES (2023), plus de 12 000 inaptitudes pour troubles psychiques sont prononcées chaque année, et le burn-out figure parmi les premières causes invoquées.
Rôle du médecin du travail
Le médecin du travail n’est pas un médecin traitant : il n’est pas là pour poser un diagnostic ou prescrire un traitement. Son rôle est d’évaluer l’aptitude du salarié à son poste, et de protéger sa santé au travail.
C’est lui seul qui peut prononcer une inaptitude, à l’issue d’une visite de reprise ou d’une visite de pré-reprise, sur la base de l’état de santé du salarié et des conditions de travail.
À noter : une visite de pré-reprise peut être sollicitée volontairement par le salarié auprès du service de santé au travail pendant l’arrêt.
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Comment préparer sa visite médicale pour burn-out ?
Exprimer son épuisement professionnel de façon claire et structurée lors de la visite est une étape cruciale pour que le médecin puisse évaluer la pertinence d’une inaptitude.
Préparer ses éléments médicaux
Avant la visite, il est fondamental de rassembler les preuves médicales appuyant la gravité du burn-out. Il ne suffit pas de dire que l’on est fatigué ou stressé.
Les documents utiles peuvent inclure :
- Certificats médicaux de votre médecin traitant ou psychiatre.
- Ordonnances de traitements (antidépresseurs, anxiolytiques).
- Compte-rendus de consultations psychologiques ou d’hospitalisation.
- Éventuel arrêt maladie longue durée (plus de 30 jours).
- Évaluations de risques psychosociaux (si fournies par l’entreprise).
Exemple concret : Julien, cadre dans un grand groupe, présente au médecin du travail un dossier médical comprenant 3 mois d’arrêt, un courrier de son psychiatre décrivant un syndrome d’épuisement sévère, et une évaluation du stress au travail. L’inaptitude est prononcée à l’issue de la visite.
Ces documents donnent au médecin du travail un cadre objectif et justifié pour appuyer une décision.
Décrire précisément sa situation au poste
Lors de la visite, il est essentiel de décrire concrètement les symptômes vécus au travail, en lien avec le poste occupé. Il ne faut pas rester vague.
Points à évoquer :
- Difficulté à concentrer ou prendre des décisions.
- Crises d’angoisse à l’idée de retourner sur le lieu de travail.
- Troubles du sommeil liés à l’environnement professionnel.
- Fatigue chronique, perte d’estime de soi, isolement.
- Sentiment de ne plus pouvoir faire face, y compris avec des aménagements.
Mots-clés utiles à utiliser : « surcharge chronique », « perte de motivation », « détresse psychologique », « impossibilité de réintégration », « récurrence des symptômes ».
Astuce : évitez les formulations accusatrices envers l’employeur. L’objectif n’est pas de chercher des fautes, mais de décrire un état incompatible avec le maintien au poste.
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Que dire au médecin du travail lors de l’entretien ?
La formulation des propos tenus lors de la visite a un impact direct sur la décision du médecin. Voici les expressions utiles, les attitudes à éviter, et les points à souligner.
Adopter un discours clair, structuré et sincère
Il est important d’exprimer :
- Votre impossibilité actuelle de reprendre le poste.
- L’impact du travail sur votre santé mentale.
- Vos craintes liées à une reprise prématurée.
- Votre volonté de préserver votre santé.
Exemples de phrases utiles :
- « Mon état ne me permet pas de reprendre sans risque pour ma santé mentale. »
- « J’ai besoin d’être reconnu inapte à ce poste pour envisager une reconstruction. »
- « La charge psychologique au travail a déclenché des troubles anxieux que je n’arrive plus à gérer. »
Il est important de rester factuel, même si l’émotion est présente. Évitez de minimiser, mais aussi d’exagérer ou de dramatiser inutilement.
Ce qu’il ne faut pas dire
- « Je veux être licencié. »
- « Je ne supporte plus mon chef. »
- « Je suis juste fatigué. »
Ces phrases peuvent faire passer le burn-out pour un conflit personnel ou une fatigue ponctuelle, alors que le but est de démontrer une inaptitude durable et objectivable.
Le médecin du travail n’est pas un arbitre de conflits. Son rôle est médical et centré sur la compatibilité entre votre état de santé et le poste.
Procédure de reconnaissance d’inaptitude pour burn-out
L’inaptitude ne peut pas être prononcée à la légère. Le Code du travail impose une procédure stricte, souvent en plusieurs étapes.
Étapes obligatoires
- Première visite médicale : vous exposez votre situation au médecin du travail.
- Analyse du poste : le médecin peut demander une description des tâches, voire un entretien avec l’employeur.
- Recherche d’aménagement ou reclassement : le médecin étudie si le poste peut être adapté.
- Seconde visite (15 jours après la première, sauf urgence) : si aucune adaptation n’est possible, le médecin prononce une inaptitude médicale.
Chiffre clé : En 2022, 39 % des inaptitudes médicales ont conduit à un licenciement pour inaptitude (source : ministère du Travail).
Et après l’inaptitude ?
Une fois l’inaptitude prononcée :
- L’employeur a 1 mois pour proposer un reclassement.
- Si aucun poste adapté n’est possible, il peut licencier pour inaptitude.
- Vous avez droit à une indemnité légale ou conventionnelle, à l’assurance chômage, voire à une pension d’invalidité selon votre situation.
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Alternatives à l’inaptitude : arrêt longue durée ou invalidité
Dans certains cas, l’inaptitude n’est pas la meilleure option. Il existe des alternatives, à envisager selon l’évolution de votre burn-out.
Prolonger l’arrêt maladie
Lorsque la reprise n’est pas envisageable mais que l’inaptitude n’est pas encore déclarée, votre médecin traitant peut :
- Prolonger l’arrêt de travail.
- Prescrire un temps partiel thérapeutique à votre retour.
- Vous orienter vers un psychiatre ou centre spécialisé pour consolidation de l’état de santé.
Cela permet de gagner du temps pour se reconstruire, sans précipiter une procédure d’inaptitude.
Reconnaissance en invalidité
Si le burn-out a des conséquences durables sur la capacité de travail, une demande d’invalidité de catégorie 1 ou 2 peut être faite auprès de la CPAM.
- Catégorie 1 : travail possible à temps partiel.
- Catégorie 2 : capacité de travail réduite, allocation mensuelle.
Cette démarche ne remplace pas l’inaptitude, mais peut s’y combiner, notamment pour maintenir un revenu de substitution.
Demander une inaptitude pour burn-out est une démarche sérieuse qui suppose de bien préparer ses arguments et ses documents. Il ne s’agit pas simplement d’exprimer un mal-être, mais de démontrer une incompatibilité durable avec le poste occupé. Le discours face au médecin du travail doit être cohérent, précis et soutenu par des éléments médicaux solides. C’est à cette condition que l’inaptitude pourra être reconnue et constituer un tournant positif vers une reconstruction.